Est-il permis de faire des affaires avec celui qui souscrit à un emprunt à intérêt ?

Question : Est-il permis à un musulman de faire des affaires et de conclure des contrats de vente/d’achat/de prestation/d’entreprise avec un opérateur économique qui a recours à des emprunts à intérêt pour financer son activité ?

Réponse : Voici en substance l’avis de Moufti Taqi Outhmâni [1]  sur le sujet : [2]

  • celui qui prête de l’argent à intérêt (« al mourâbi »), le montant supplémentaire (c’est-à-dire les intérêts) qu’il exige et obtient de la part de l’emprunteur est totalement illicite en droit musulman : il s’agit là du « ribâ al qardh » qui a été explicitement interdit dans le texte coranique. Cet argent a un statut comparable à celui d’un bien qui a été usurpé ou obtenu en guise de pot de vin. En conséquent, celui dont le patrimoine est constitué exclusivement de ce type de « ribâ », il n’est pas permis d’accepter ses éventuelles donations. Et il n’est pas permis non plus de conclure des contrats d’achat/de vente avec lui.
  • pour ce qui est de celui qui emprunte de l’argent à intérêt, il se rend, certes, coupable d’un péché très grave. Pour autant, il devient juridiquement propriétaire de la somme empruntée et est d’ailleurs assujetti à l’obligation de remboursement de celle-ci à l’échéance prévue.[3] Et, contrairement au contrat de vente, un contrat de prêt n’est pas invalidé par les dispositions illicites qu’il peut éventuellement contenir (comme celle imposant justement le paiement d’intérêts) : ce sont ces dernières qui sont réputées sont écrites. En conséquent, ce que cet individu achète avec le montant emprunté n’est pas illicite en soi : s’il offre l’objet de cet achat à quelqu’un, il est permis à ce dernier de le prendre. Et il est également permis de conclure des contrats de vente/d’achat etc. avec lui.

Wa Allâhou A’lam !


[1] Illustre savant hanafite qui compte parmi les experts contemporains dont l’autorité est unanimement reconnue notamment dans le domaine de la finance islamique

[2] « Fiqh al Bouyoû’ » v. 2, p. 1060

[3] Selon Sh. Mounadjid, il s’agit là de la position de l’école hanafite et hambalite mais aussi un avis au sein de l’école châféïte. Voir cette Fatwa en arabe