Abonnement à reconduction tacite : licite ou non ?

Question : Est-il permis, pour un musulman, de souscrire à un abonnement avec tacite reconduction, c’est-à-dire que le contrat en question prévoit que, si les parties ne le dénoncent pas avant l’arrivée de son terme, celui-ci est automatiquement prolongé ?

Réponse : En droit musulman, le consentement à contracter doit nécessairement être exprimé et extériorisé. Ainsi, le fait de garder le silence et de n’apporter aucune réponse à une offre de contrat ne peut être considéré comme valant acceptation de celui-ci en vertu du principe suivant :[1]

لا يُنسب إلى ساكتٍ قول قائل، ولا عمل عامل، وإنما ينسب إلى كلٍّ قولُه وعملُه

« On ne peut attribuer à une personne silencieuse le propos de celui qui s’est exprimé et l’action de celui qui a agi ; on n’attribue à chacun que son propos et son action. »

Appliqué au domaine contractuel, ce principe signifie que si une personne est face à une offre de contrat et qu’elle en mesure d’exprimer son accord mais qu’elle ne le fait pas, il n’est pas possible de considérer qu’elle a consenti à ladite convention et qu’elle y est donc engagée. C’est cette réalité qu’Al Atâssi (rahimahoullâh) a exprimé en ces termes dans son commentaire de la « Madjallat al Ahkâm il ‘Adliyah » (qui était en quelque sorte le code civil en vigueur dans l’empire ottoman fin 19ème/début 20ème siècle) :

إن الشرع حيث ربط معاملات الناس بالعبارات الدالة على المقاصد فما جعل للسكوت حكماً ينبني عليه شيء كما تبنى الأحكام على الألفاظ

« Certes, la législation (musulmane), en rattachant les opérations contractuelles des gens à des formulations/expressions témoignant d’objectifs/de finalités (déterminés), n’a pas donné au silence un statut juridique sur lequel quoique ce soit puisse être élaboré à la manière de ce qui se fait pour les règles qui sont fondés sur des mots (formulés). »

Cet énoncé semble indiquer que, dès lors où, au terme d’un contrat à durée déterminé, aucune des parties n’exprime de manière expresse son consentement à poursuivre la convention en cours, celle-ci ne peut être renouvelée automatiquement.

Pour autant, il est important de souligner qu’il existe un autre principe qui vient compléter le précédent et qui a été formulé en ces termes dans la « Madjal-lah » :

ولكن السكوت في معرض الحاجة إلى البيان بيان

« Mais le silence dans un cas qui exige une clarification a valeur de clarification (justement). »

Celui-ci signifie que, dès lors qu’un individu est dans une situation où une clarification de sa part est nécessairement attendue (pour écarter une présomption légitime ou le protéger d’un tort par exemple) et que, dans ce contexte, il garde le silence, ce dernier aura valeur d’expression et pourra donc être considéré comme une approbation.

On peut justement considérer que c’est le cas pour les abonnements à reconduction tacite étant donné que, dans ces conventions, l’accord initial des parties prévoit notamment que, au terme du contrat concerné, si aucune d’elles ne remet en question celui-ci, ce silence de leur part a valeur d’approbation tacite pour le renouvellement dudit contrat.

Il est à noter, d’ailleurs, que l’Académie Internationale de Fiqh[2] et l’AAOIFI[3] admettent la validité et l’efficacité des clauses de renouvellement automatique dans les contrats de location.

Wa Allâhou A’lam !


[1] La formulation initiale de ce principe est attribuée à l’Imâm ach Châféï (rahimahoullâh) ; et il a été repris ensuite par un certain nombre de principologues musulmans des différentes écoles les plus connues

[2] Voir la résolution 36, émise en 1988 par le « Madjma’ al Fiqh il Islâmiy ad Douwaliy »

[3] Voir l’article 7/2/6 de la norme n°9 des standards de l’AAOIFI