L’échange de monnaie

باب مَا جَاءَ فِى الصَّرْفِ


Le sarf[1]


عَنْ نَافِعٍ قَالَ انْطَلَقْتُ أَنَا وَابْنُ عُمَرَ إِلَى أَبِى سَعِيدٍ فَحَدَّثَنَا أَنَّ رَسُولَ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم قَالَ سَمِعَتْهُ أُذُنَاىَ هَاتَانِ يَقُولُ لاَ تَبِيعُوا الذَّهَبَ بِالذَّهَبِ إِلاَّ مِثْلاً بِمِثْلٍ وَالْفِضَّةَ بِالْفِضَّةِ إِلاَّ مِثْلاً بِمِثْلٍ لاَ يُشَفُّ بَعْضُهُ عَلَى بَعْضٍ وَلاَ تَبِيعُوا مِنْهُ غَائِبًا بِنَاجِزٍ

قَالَ وَحَدِيثُ أَبِى سَعِيدٍ عَنِ النَّبِىِّ صلى الله عليه وسل فِى الرِّبَا حَدِيثٌ حَسَنٌ صَحِيحٌ


Traduction explicative

Nâfi’ (rahimahoullâh) raconte : Je suis parti en compagnie de Ibnou ‘Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) auprès de Abou Saïd (radhia Allâhou ‘anhou); il (radhia Allâhou ‘anhou) nous rapporta alors que le Messager (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a dit –(puis, pour mettre encore plus d’emphase sur son rapport et pour témoigner de sa conviction par rapport à la justesse de son contenu,) il (radhia Allâhou ‘anhou) ajouta : « Mes deux oreilles-ci l’ont entendu dire- :


« N’échangez de l’or contre de l’or (que) quantité égale contre quantité égale et l’argent contre l’argent (que) quantité égale contre quantité égale. (Qu’) une (contrepartie) ne soit pas être majorée par rapport à l’autre. Et n’échangez pas (, dans ce type de transactions, une contrepartie) non présente contre ce qui est présent. »


(Hadith authentique)


عَنِ ابْنِ عُمَرَ قَالَ كُنْتُ أَبِيعُ الإِبِلَ بِالْبَقِيعِ فَأَبِيعُ بِالدَّنَانِيرِ فَآخُذُ مَكَانَهَا الْوَرِقَ وَأَبِيعُ بِالْوَرِقِ فَآخُذُ مَكَانَهَا الدَّنَانِيرَ فَأَتَيْتُ رَسُولَ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم فَوَجَدْتُهُ خَارِجًا مِنْ بَيْتِ حَفْصَةَ فَسَأَلْتُهُ عَنْ ذَلِكَ فَقَالَ لاَ بَأْسَ بِهِ بِالْقِيمَةِ

قَالَ أَبُو عِيسَى هَذَا حَدِيثٌ لاَ نَعْرِفُهُ مَرْفُوعًا إِلاَّ مِنْ حَدِيثِ سِمَاكِ بْنِ حَرْبٍ عَنْ سَعِيدِ بْنِ جُبَيْرٍ عَنِ ابْنِ عُمَرَ


Traduction explicative

Il est rapporté de Ibnou ‘Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) qu’il a dit :

Je vendais des chameaux à baqî’ (nom d’un emplacement à Médine). Je vendais (les animaux) pour (un prix fixé) en dînârs, mais, à la place de ceux-ci, je prenais (de l’acheteur) des (pièces d’)argent (d’un montant équivalent vu qu’il n’avait pas en sa possession des dînars). Et (il arrivait aussi que) je vende (les animaux) pour (un prix fixé) en (pièces d’) argent mais que, à la place de ceux-ci, je prenne (de l’acheteur) des dînârs (d’un montant équivalent vu qu’il n’avait pas avec lui des pièces d’argent). Je me suis (à une occasion) rendu auprès du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) et je l’ai trouvé sortant de la maison de Hafsah (radhia Allâhou ‘anhâ). Je l’ai alors questionné à ce sujet (c’est-à-dire concernant cette façon de procéder). Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) répondit alors :


« Il n’y a pas de problème (quand) ceci se fait suivant le prix (des pièces dues). »


(Cette version marfoû’ du Hadith est qualifiée de dhaïf par Al Albâni et Al Arnâoût)


عَنْ مَالِكِ بْنِ أَوْسِ بْنِ الْحَدَثَانِ أَنَّهُ قَالَ أَقْبَلْتُ أَقُولُ مَنْ يَصْطَرِفُ الدَّرَاهِمَ فَقَالَ طَلْحَةُ بْنُ عُبَيْدِ اللَّهِ وَهُوَ عِنْدَ عُمَرَ بْنِ الْخَطَّابِ أَرِنَا ذَهَبَكَ ثُمَّ ائْتِنَا إِذَا جَاءَ خَادِمُنَا نُعْطِكَ وَرِقَكَ. فَقَالَ عُمَرُ كَلاَّ وَاللَّهِ لَتُعْطِيَنَّهُ وَرِقَهُ أَوْ لَتَرُدَّنَّ إِلَيْهِ ذَهَبَهُ فَإِنَّ رَسُولَ اللَّهِ -صلى الله عليه وسلم- قَالَ « الْوَرِقُ بِالذَّهَبِ رِبًا إِلاَّ هَاءَ وَهَاءَ وَالْبُرُّ بِالْبُرِّ رِبًا إِلاَّ هَاءَ وَهَاءَ وَالشَّعِيرُ بِالشَّعِيرِ رِبًا إِلاَّ هَاءَ وَهَاءَ وَالتَّمْرُ بِالتَّمْرِ رِبًا إِلاَّ هَاءَ وَهَاءَ

قَالَ أَبُو عِيسَى هَذَا حَدِيثٌ حَسَنٌ صَحِيحٌ


Traduction explicative

Mâlik Ibn Awss Ibnoul Hadthân (rahimahoullâh) raconte : Je suis arrivé en demandant

« Qui (veut bien me) donner le change (de ce que j’ai) en dirhams ? »

Talha Ibnou ‘Oubeïdoullâh (radhia Allâhou ‘anhou), qui était alors auprès de ‘Oumar Ibnoul Khattâb (radhia Allâhou ‘anhou), (me) dit :

« Montre nous ton or ! Puis, lorsque notre serviteur viendra, nous te donnerons tes (pièces d’)argent. »

(En entendant ceci,) ‘Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) s’exclama :


« Certainement pas ! Par Allah, soit tu lui donne ses (pièces d’)argent (de suite), soit tu lui rend son or. Parce que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a dit : « (L’échange) de l’argent contre de l’or constitue du ribâ sauf s’il se fait de main à main. Et (l’échange) de blé contre du blé constitue du ribâ sauf s’il se fait de main à main. Et (l’échange) de l’orge contre de l’orge constitue du ribâ sauf s’il se fait de main à main. Et (l’échange) de dattes (sèches) contre des dattes (sèches) constitue du ribâ sauf s’il se fait de main à main ». »

(Hadith authentique)


Commentaires

Les différentes Ahâdîth cités par l’Imâm Tirmidhi (rahimahoullâh) dans le présent chapitre indiquent que l’échange des métaux précieux (or et argent) entre eux, appelé bay’ as sarf, est soumis à des règles biens définies. Ainsi :

– lorsque les deux contreparties sont de même nature, l’échange entre eux n’est autorisé qu’à poids égal.

– lorsque les deux contreparties ne sont pas de même nature, l’échange peut se faire de façon inégale.

Dans les deux cas cependant, l’échange doit obligatoirement se faire au comptant et de main à main, comme cela va être détaillé ci-dessous.


« Et n’échangez pas (, dans ce type de transactions, une contrepartie) non présente contre ce qui est présent. »
Ces propos du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) ayant été énoncés de façon spécifique au sujet de l’or et de l’argent, les oulémas hanafites ont établi une distinction entre :

  • l’échange des biens ribawis (susceptibles de faire l’objet de ribâ)autres que l’or et l’argent. Dans ce cas, ce qui est imposé, c’est que l’échange ne se fasse pas à crédit.Ainsi, à partir du moment où celui-ci a lieu au comptant et que les contreparties sont bien déterminées, il est possible de les fournir par la suite (lâ youchtarat out taqâboudh fil madjliss).[2]
  • l’échange d’or/d’argent contre de l’or ou de l’argent (bay’ as sarf)Dans ce cas, la seule détermination des contreparties ne suffit pas : pour que l’opération soit licite, il est nécessaire que celles-ci soient remises dans l’assemblée même où a lieu la transaction (youchtaratout taqâboudh fil madjliss).

Cette différence est, selon des hanafites, justifiée par le fait que, à la différence des autres biens ribawis, l’or et l’argent ont été, pendant très longtemps dans le monde, les supports privilégiés de la monnaie (athmân bil khilqah). Et (selon les hanafites toujours) une caractéristique des athmân[3] est que leur désignation au sein d’une opération comme la vente ou la location[4] ne les rend pas pour autant définis (al athmân lâ tata’ay-yanou bit-ta’yîn)[5] : leur détermination de façon précise ne peut ainsi se faire qu’à travers leur prise de possession effective.[6]


D’où la nécessité que, dans le bay’ as sarf, les contreparties soient échangés avant que les contractants ne se séparent.

Il est à noter que la non détermination des athmân avant leur prise de possession effective indique clairement que, dans les contrats à titre onéreux (comme la vente, la location,…), les qualités (awsâf) des éléments servant de moyens de paiement ne sont pas prises en considération dans la détermination de leur valeur : ainsi, chaque unité de thaman est considérée comme étant en tout point équivalente à une autre unité de thaman de même nature.[7] Tout surplus qui serait perçu dans un tel échange constitue donc un avantage perçu sans aucune contrepartie [8] acceptable et légitime du point de vue du droit musulman[9] et relève du ribâ.


Le statut de la monnaie fiduciaire en droit musulman

En ce qui concerne le statut de la monnaie fiduciaire, il y a principalement trois avis qui ont été émis par les savants musulmans :

-Un premier groupe de oulémas, prenant en considération le statut initial du papier monnaie, soutenait que celui-ci devait être considéré comme un de titre de créance[10] : en effet, à l’origine et pendant longtemps, les billets étaient librement convertibles en or et l’autorité qui les émettait s’engageait de payer à leurs porteurs, en cas de demande de leur part, un montant bien défini de métal précieux.[11] Ces billets n’avaient ainsi aucune valeur intrinsèque et ce n’est que la garantie de pouvoir être échangés contre de l’or (ou de l’argent) qui leur permettait de servir de moyens d’échange et de paiement. Cet avis, qui a pendant longtemps fait autorité chez les oulémas du subcontinent indien ou chez les oulémas égyptiens, impliquait notamment :

  • l’interdiction d’acheter, même au comptant, de l’or ou de l’argent avec des billets. En effet, ces derniers étant représentatifs d’une créance pour une quantité d’or (ou d’argent) bien définie, leur utilisation ne permettait pas de respecter une condition fondamentale régissant les échanges de monnaie, en l’occurrence, la nécessité que les deux contreparties soient remises dans la même assemblée.
  • en cas de paiement de la zakâte avec du papier monnaie, l’accomplissement de cette obligation ne devenait effective qu’à partir du moment où la personne ayant perçu l’aumône ait acheté un bien avec les billets (ou après qu’elle ait récupéré auprès de l’autorité émettrice des billets le métal précieux correspondant à celles-ci). S’il arrivait que le papier monnaie soit détruit avant cela, la zakâte devait à nouveau être versée…

-Un autre groupe de savants soutient que le billet de banque constitue une monnaie à part entière et possède exactement le même statut que l’or et l’argent : tous les règlements qui régissent les échanges entre métaux précieux doivent ainsi être respectés dans les échanges entre billets.[12] Cet avis, qui est actuellement celui de la grande majorité des juristes contemporains et qui a été retenu notamment par le Hay’atou Kibâril ‘Oulamâ (Comité des Grands Savants) d’Arabie Saoudite, Al Madjma’oul Fiqhiy de la Ligue Islamique Mondiale, le Madjma’oul Fiqh il Islâmiy (Académie du Droit Musulman) de l’Organisation de la Conférence Islamique[13], implique notamment:

  • l’interdiction d’acheter de l’or ou de l’argent à crédit avec des billets.
  • l’interdiction d’échanger des billets (d’une même monnaie ou de monnaies différentes) entre eux si ce n’est au comptant et dans une même assemblée.
  • l’interdiction d’échanger des billets d’une même monnaie entre eux si ce n’est à montant égal.
  • la possibilité de s’acquitter de la zakâte avec du papier monnaie, l’accomplissement de cette obligation étant effective dès la remise des sommes concernées à la personne méritante.
  • l’obligation de prélever la zakâte sur les billets à partir du moment où leur valeur atteint, seule ou en étant ajoutée à celle des autres biens imposables, le seuil d’imposition (niçâb).[14]

– Un troisième groupe de savants reconnaît au papier monnaie un statut  juridique qui va dans le sens (mais pas similaire en tout point) de celui reconnu aux pièces de métal non précieux qui servent depuis longtemps de monnaies divisionnaires -ce genre de pièces est appelé en arabe filss (pluriel : fouloûss). Cet avis, qui est notamment celui de Moufti Taqi Outhmâni, implique notamment :

  • la non obligation, lors de l’achat de l’or ou de l’argent, que les deux contreparties soient échangés dans la même assemblée –étant donné que la transaction n’est pas considérée comme un bay’ sarf.
  • l’interdiction d’échanger des billets d’une même monnaie entre eux si ce n’est :

à montant[15] égal[16],

o au comptant et

o dans une même assemblée.

  • l’obligation de prélever la zakâte sur les billets à partir du moment où leur valeur atteint, seule ou en étant ajoutée à celle des autres biens imposables, le seuil d’imposition (niçâb).[17]
  • la possibilité de s’acquitter de la zakâte avec du papier monnaie, l’accomplissement de cette obligation étant effective dès la remise des sommes concernées à la personne méritante.[18]
  • la permission d’échanger des billets de monnaies différentes entre eux de façon différée,sous condition que l’une des contreparties soit remise lors de la transaction, et ce, en raison de l’interdiction du « bay’ al kâli’ bil kâli' », c’est-à-dire de l’échange au sein de laquelle aucune des deux contreparties n’est remise et où elles restent donc dues.[19]
  • la permission d’échanger des billets de monnaies différentes entre eux de façon inégale. A ce sujet, il est à noter que, d’après Moufti Taqui Utmâni toujours, si la transaction ne se fait pas sur la base du taux de change officiel, cela n’entraîne pas pour autant la présence de ribâ. Néanmoins, dans le cas où l’échange entre devises se fait de façon différée, il est nécessaire selon lui de respecter le taux de change courant (c’est-à-dire le cours moyen qui est pratiqué à ce moment par les agents de change), et ce, pour éviter que cette transaction ne serve de subterfuge pour prendre/donner du ribâ. En effet s’il était possible, dans ce cas précis, aux contractants de fixer en toute liberté un taux de change différent de celui qui est en cours, il leur serait aisé de dissimuler une transaction à intérêt en procédant de la sorte (par exemple) : plutôt que de prêter 10 000 € remboursable trois mois plus tard avec une majoration de 200 € -ce qui constitue du pur ribâ, « A » « vend » à « B »14 000 $ pour 10 200 € payable trois mois plus tard alors que le taux courant pour 1 € à ce moment est de 1,4 $. En échangeant de suite les 14 000 $, « B » ne va donc recevoir que 10 000 € et il est très probable que la différence entre ce montant et celui qu’il va devoir « payer » à terme (10 200 €) ne constitue rien d’autre que la rémunération des fonds qui lui ont été avancés pendant trois mois.[20]


« Il n’y a pas de problème (quand) ceci se fait suivant le prix (courant des pièces dues). »

Dans une version un peu plus détaillée de ce même récit, il est indiqué que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a répondu à l’interrogation de Ibnou ‘Oumar (radhiya Allâhou ‘anhou) en ces termes:


لَا بَأْسَ أَنْ تَأْخُذَ بِسِعْرِ يَوْمِهَا مَا لَمْ تَتَفَرَّقَا وَبَيْنَكُمَا شَيْءٌ

« Il n’y a pas de problème (à ce que tu procèdes de la façon décrite et) que tu prennes (le montant qui t’es du dans une monnaie différente) au prix de ce jourtant que vous ne vous séparez pas alors qu’il y a encore entre vous quelque chose (qui est due). »


(Sounan Nassaï – Hadith dhaïf)

Ces propos attribués au Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) indiquent qu’il est permis à celui qui a une créance à percevoir ou une dette à régler en pièces d’or ou d’argent de récupérer ou de s’acquitter de celle-ci par le biais d’un métal précieux différent sous condition que[21] :

  • le moment venu (c’est-à-dire lorsque le débiteur vient régler sa dette dans une monnaie différente), l’intégralité de ce qui est dû est versé avant que les contractants ne se séparent; cette condition indique que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a assimilé cette transaction, qui consiste à échanger un montant dû dans un métal précieux en un montant équivalent dans un autre métal précieux, à un bay’ as sarf.[22]
  • le montant effectivement obtenu/versé corresponde bien à ce qui était dû, et ce, en prenant comme référence le change en vigueurau jour du règlement (et non au jour où a eu lieu la transaction initiale); Exemple : « A » vend un livre à « B » pour 1 dînâr le 1er Ramadhân. N’ayant pas cette somme avec lui à ce moment, « B » demande à « A » s’il peut lui régler deux jours plus tard. « A » accepte. Le 3 Ramadhân, avec l’accord de « A », « B » règle ce qu’il doit en dirham : pour déterminer ce montant, il se basera sur le taux de change appliqué le 3 et non celui qui était en vigueur le 1er.[23]

Moufti Taqui Outhmâni souligne que cette seconde condition indique que, dans l’acquittement d’un dû, la parfaite équivalence qui est imposée dans le droit musulman afin d’éviter le ribâ concerne le montant de la dette et non sa valeur. En effet, imaginons que :

  • le 12ème Cha’bân, « A » achète de « B » un bien pour 100 dirhams, payable un mois plus tard, c’est-à-dire le 12ème Ramadhân.Le jour où a lieu cette transaction, la valeur de 100 dirhams est équivalente à 10 dînârs.
  • le 12ème Ramadhân, « A » désire régler à « B » sa dette en dînârs et celui-ci accepte. Entre temps cependant, le dirham a perdu un peu de sa valeur et les 100 dirhams ne valent plus que 9 dînârs. Suivant le principe énoncé dans le présent Hadith, »B » ne pourra alors pas exiger de « A » plus de 9 dînârs, ce qui prouve bien que, lors du remboursement d’une dette, c’est le montant initial (100 dirhams) de celle-ci qui doit être pris en considération et non sa valeur (auquel cas il aurait permis à « B » de réclamer à « A » un montant de 10 dînârs). En étendant ce principe à la monnaie fiduciaire, on comprend mieux pourquoi l’indexation des dettes est problématique dans le droit musulman.


Wa Allâhou A’lam !



[1] Le bay’ as sarf désigne l’échange qui est effectué entre les monnaies d’or et d’argent. Pour ce qui est du régime des échanges entre les monnaies fiduciaires, les oulémas contemporains ont des avis divergents, comme cela est détaillé plus loin dans l’article. Réf : « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 5 / Page 3659


[2] Les oulémas des autres madhâ’hib ne partagent pas cet avis : selon eux, dans les deux cas, il est nécessaire que les contreparties soient physiquement échangées avant que les deux parties ne se séparent. Réf : « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 13 / Page 117


[3] Pluriel de thaman (monnaie).


[4] Ce principe ne concerne pas les athmân naqdiyah (or et argent) qui sont employés ailleurs que dans les échanges à titre onéreux (mou’âwadhât), comme dans le cas des dépôts (amânah) par exemple. Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Pages 27-28 et Volume 15 / Pages 30 et suivantes


[5] Ainsi, si un bien a été vendu contre une pièce d’or bien précise, l’acheteur peut tout à fait effectuer le règlement en donnant au vendeur une autre pièce d’or. Et s’il arrive que la première pièce d’or soit détruite ou perdue, la validité de la vente n’est pas remise en question. L’avis le plus connu des mâlékites est très proche de celui des hanafites sur ce point.

Pour les châféïtes (et selon l’opinion faisant autorité chez les hambalites), la désignation d’un moyen de paiement dans une transaction a pour conséquence de le rendre déterminé et défini. Réf : « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 15 / Pages 30-31


[6] Réf : « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Page 138 et pages 141-142 et « I’lâ ous Sounan » – Volume 13 / Pages 6209 à 6211


[7] Voir, à ce sujet, les propos de Ibnou Houmân (rahimahoullâh) cités dans « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Page 371. Voir également les propos de Cheikh Khâlid Seyfoullâh dans « Djadîd fiqhiy Massâïl » – Volume 2 / Pages 214 et suivantes


[8] La définition donnée au ribâ par des oulémas hanafites est celle-ci :

فضل مال بلا عوض في معاوضة مال بمال

Réf : « Radd oul Mouhtâr » – Volume 5 / Page 294. Les oulémas des autres madhâhib présentent des définitions quelque peu différentes dont le sens, néanmoins, rejoint celle énoncée par les hanafites. Réf : « Al Mawsoûat oul Fiqhiya » – Définition du terme ribâ« Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 4 / Pages 668 et 669, « Kitâb oul Fiqh ‘alal madhâhib al arba’ah » – Volume 2 / Page 209


[9] C’est cela qui différencie le ribâ de la vente d’un bien ou d’un service. Dans les deux derniers cas, en effet, la contrepartie perçue est considérée comme acceptable dans le droit musulman (‘iwadh bi mi’yâr char’iyyin), étant donné qu’il vise à compenser quelque chose de légitime, comme :

  • la perte de valeur liée à l’usage d’un bien (dans le cas de la location d’un bien)
  • l’effort fourni pour la réalisation d’un objet (dans le cas de la vente d’un bien produit par le vendeur),
  • le travail accompli pour l’obtention d’un bien matériel et le risque engagé dans sa prise en charge (dans le cas de la vente d’une marchandise achetée à autrui)


[10] Réf : « Bouhoûth fil Iqtissâd il Islâmiy » de Cheikh Abdoullâh Ibn Souleyman Al Mani’– Pages 195-201 et « Djadîd Fiqhiy Massâïl » – Volume 2 / Pages 211 et suivantes


[11] Les billets en livres sterling de la Banque d’Angleterre portent d’ailleurs toujours cette mention « I promise to pay the bearer on demand the sum of … » (« Je promets de payer au porteur à sa demande la somme de … ») suivie d’un montant précis… mention qui ne fait aujourd’hui plus beaucoup de sens…


[12] Réf : « Bouhoûth fil Iqtissâd il Islâmiy » de Cheikh Abdoullâh Ibn Souleyman Al Mani’– Pages 210 et suivantes


[13] Réf : « Fiqh oun Nawâzil » – Volume 3 / Pages 10 à 19, Résolution N°9 de la 3ème session du Madjma’ oul Fiqh il Islâmiy de Djeddah (11-16 Octobre 1986), Résolution N°6 de Al Madjma’oul Fiqhiy de Makkah


[14] Après retranchement des dettes éventuelles.


[15] C’est bien le montant ici qui doit être pris comme référence (et non pas le nombre de billets échangés), vu que c’est la monnaie fiduciaire est justement employée pour la valeur qu’elle représente. Pour plus de détails, voir « Qadhâya Fiqhiyah Mou’âssarah » – Volume 1 / Page 166


[16] Il faut savoir que, en ce qui concerne l’échange des fouloûss nâfiqah (pièces de monnaie  divisionnaires qui ont cours et qui sont faites de métaux autres que l’or ou l’argent), il y a trois approches différentes parmi les juristes musulmans :

-selon l’avis considéré comme étant le plus juste chez les châféïtes et les hambalites, les fouloûss ne sont pas traités comme des biens ribawis ; il est donc permis de les échanger entre eux de façon inégale. L’Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) et l’Imâm Abou Youssouf (rahimahoullâh) partagent aussi cette opinion dans le cas où il s’agit d’un échange entre fouloûss qui sont déterminés.

-selon l’avis qui fait autorité chez les mâlékites, dans le cadre d’une transaction entre moyens de paiement, les fouloûss sont considérés comme de la monnaie : il est ainsi déconseillé (youkrahou bighayri tahrîm) de les échanger de façon inégale

-selon l’opinion de l’Imâm Mouhammad (rahimahoullâh) (et c’est apparemment là un avis mâlékite, chaféïte et hambalite aussi ; l’Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) et l’Imâm Abou Yousouf (rahimahoullâh) partagent également cette approche dans le cadre d’un échange entre pièces qui ne sont pas déterminés), par convention générale dans un espace donné, le filss sert de monnaie (athmân istilâhiyah) : à ce titre, il partage avec l’or et l’argent une caractéristique des athmân exposée précédemment dans l’énoncé, à savoir le fait que, au sein d’une transaction comme la vente ou la location, les qualités (awsâf) des éléments servant de moyens de paiement ne sont pas prises en considération dans la détermination de leur valeur; ainsi, chaque unité de thaman est considérée comme étant en tout point équivalente à une autre unité de thaman de même nature. Tout surplus qui serait perçu dans un échange entre fouloûss constitue donc un avantage perçu sans aucune contrepartie acceptable et légitime du point de vue du droit musulmanet relève du ribâ. C’est cette dernière approche qui fait autorité chez les hanafites contemporains, et c’est justement sur celle-ci que repose l’avis de Moufti Taqi présenté dans l’énoncé.

Il est à noter que cette divergence concerne exclusivement les « foulouss » et, en aucun cas, la monnaie fiduciaire  (billets de banque) ou scripturale qui est employée de nos jours. Les savants experts du droit musulman contemporains, qu’ils soient châféites, hambalites, mâlekites ou hanafites s’accordent en effet pour considérer que les règles du ribaa s’appliquent à ce type de monnaie.

Réf : « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 32 – Pages 205-206, « In’âm oul Bâriy » – Volume 6 / Pages 238 et suivantes


[17] Après retranchement des dettes éventuelles. Au niveau de l’imposition à la zakâte, les fouloûss nâfiqah sont soumis aux mêmes règles que les marchandises commerciales. Voir « Qadhâyâ Fiqhiyah Mou’âssarah » – Volume 1 / Page 161


[18] Réf : « Qadhâyâ Fiqhiyah Mou’âssarah » – Volume 1 / Page 161


[19] Cette interdiction est énoncée dans un Hadith dont la chaîne de transmission présente cependant des failles. Il n’en reste pas moins cependant que la condamnation du « bay’ al kâli’ bil kâli' » a été largement admise par les juristes musulmans. Voir à ce sujet 
« Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 21 / Page 102 (note N°4)


[20] Réf : « In’âm oul Bâriy » – Volume 6 / Pages 344 et suivantes, « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Page 146 et « Djadîd Fiqhiy Massâïl » – Volume 2 / Pages 211 et suivantes


[21] C’est là l’avis de la majorité des oulémas. Réf : « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Pages 148 et suivantes, « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Page 366, « Al Moughniy » – Volume 4 / Page 187


[22] Réf : « Qadhâyâ Fiqhiyah Mou’âsarah » – Volume 2 / Pages 117-118


[23] Il y a quelques divergences au sujet du caractère impératif ou non de ce second enseignement ; selon les hambalites et Moufti Taqui Outhmâni, il est nécessaire de respecter cette condition. Selon les hanafites (et les mâlékites également), il n’est pas obligatoire que le règlement se fasse en conformité avec le taux de change courant. Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 41 / Page 189